Brigitte Ferlicchi : femme, épouse, mère et ingénieure

Maintenant à la retraite, Brigitte Ferlicchi a toujours jonglé entre sa vie de femme, d’épouse, de mère et également d’ingénieure. Avant de choisir la voie des sciences et d’être diplômée en textile et fibres (TF), soutenue et ambitieuse, elle n’a pas hésité longtemps à se lancer dans une carrière d’ingénieure. Elle raconte.

 

 

Épaulée par les hommes, rien ne l’arrête !

« Pour être honnête, je ne me posais pas la question de savoir si j’allais y arriver ou non. Mon père, mon beau-père et son père étaient ingénieurs. Ce n’est pas parce que je suis une femme que je devais arrêter cette tradition ! Ma mère m’encourageait beaucoup à suivre mes rêves, à me projeter. L’environnement dans lequel je grandissais était propice à l’épanouissement personnel et mon père me rappelait souvent : « Brigitte, il n’y a aucune barrière limite pour les femmes, le pouvoir à terme se prend, c’est à toi de faire ta carrière ». Ce qui peut surprendre c’est qu’il tenait ce discours à l’époque, alors que maintenant, certains parents hésitent encore à soutenir leur fille à entreprendre des études scientifiques. Sans appréhension, j’ai commencé mes études supérieures par deux années de classes préparatoires maths-physiques avant de passer les concours aux grandes écoles. Je n’avais à ce moment-là pas d’idée, du domaine d’activité dans lequel je voulais travailler à terme. À l’époque, l’ENSISA portait le nom d’École Nationale Supérieure des Industries Textiles de Mulhouse (ENSITM), créée par des industriels spécialisés dans le textile. Ne voulant pas recommencer une nouvelle deuxième année, j’ai intégré l’ENSITM. Quand j’ai été recrutée, nous n’étions que deux filles dans ma promo et aucune dans les deux suivantes. Cela ne m’a pas empêché de réussir mes études et de rencontrer mon futur époux et père de mes enfants. Le cursus ingénieur m’a permis de vite travailler à des postes à responsabilité. Avec mon mari nous avons fait des choix dans nos vies professionnelles respectives, afin d’allier vie de famille et carrière professionnelle. Jamais il n’a fait preuve de différence entre lui et moi. Je suis ingénieure, je voulais travailler tout comme lui ! Mes choix et envies m’ont amené à poursuivre une carrière, qui a mes yeux, fut enrichissante, épanouissante et sans jamais avoir besoin d’hésiter à changer de fonction. J’ai terminé ma carrière à la tête de la direction administrative et financière du groupe DMC. »

 

Les compétences au service des femmes

« Vivre une vie de femme, tout en étant épouse, mère et ingénieure n’est pas aisée, mais je suis la preuve qu’avec de l’organisation et un mari sur la même longueur d’onde, tout est possible. Bien entendu, je ne dis pas que c’est facile, il faut faire des compromis, s’entraider et assumer les pressions que l’on a au quotidien. J’aime résumer les choses en disant que j’ai passé un contrat entre mon mari, mes enfants et ma carrière. Étant ingénieure et cadre, j’ai eu la chance d’être souvent bien acceptée aux différents postes que j’ai occupés. J’ai toujours mis un point d’honneur lors de mes recrutements à favoriser (à compétences égales) les femmes ainsi que la diversité. En début de carrière, j’ai eu la chance de pouvoir participer à l’évaluation et la codification de tous les postes de mon entreprise : à chaque code, un salaire minimum a été attribué, ce qui nous a amené à effectuer des ajustements salariaux notamment vis-à-vis des femmes et de garantir l’égalité salariale à travail égal. Puis, via les bilans sociaux, les salaires par catégorie socio-professionnelle ont été publiés en les scindant par sexe. Ensuite, en permettant aux femmes, sans formation initiale, le souhaitant de suivre des plans longs de formation afin de progresser dans l’entreprise et d’accéder à des postes de contremaitre, de cheffe d’atelier. La mise en place de la validation des acquis d’expérience (VAE) a permis aux autodidactes d’obtenir une certification professionnelle. Nous sommes passés à la vitesse supérieure, les femmes ayant bénéficié de ces programmes devenaient alors ambassadrices en montrant que tout est possible même en promotion interne. »

 

Changer les choses, faire évoluer les mentalités, combattre les idées préconçues…

« Ce n’est pas parce que j’ai quitté le monde du travail que ma volonté d’offrir à tous les mêmes chances s’est arrêtée. Dès ma sortie de l’école, j’ai intégré l’association des anciens élèves (AAE), puis son comité en tant que 1ère femme ! Quand l’opportunité s’est présentée, comme me l’avait si bien dit mon père « le pouvoir se prend » : je me suis présentée au poste de présidente. Je suis heureuse d’avoir féminisé le comité et d’avoir confié aux femmes des responsabilités qu’elles ont excellemment assumées. Ce poste de présidente de l’AAE m’a permis de participer au conseil de l’ENSISA et toujours selon le même principe d’en prendre la présidence dès la vacance du poste. Je tiens à préciser que l’école n’est pas en reste, le taux de féminisation des étudiants progresse et il y a encore peu de temps, elle comptait trois femmes sur les cinq responsables de spécialités, de plus dans des domaines comme la mécanique ou le génie industriel. Davantage de jeunes femmes prennent position dans les associations et à la tête du bureau des élèves (BDE) par exemple. Surtout, il est important de préciser que la parité ne joue aucun rôle dans ces prises de poste, c’est l’exemplarité et les compétences qui priment. De plus je m’investis dans d’autres associations/clubs avec toujours comme objectif la féminisation des membres, l’accession des femmes aux postes de responsabilités et l’égalité pour tous. »

 

Et aujourd’hui ?

« Pour moi, et ça peut en choquer certaines, il n’existe aucune limite, aucun plafond de verre. Les seules contraintes que les femmes ont, ce sont celles qu’elles s’infligent. Il faut suivre les modèles de carrière auxquels on croit et s’inspirer des femmes épanouies que l’on rencontre. Si une jeune fille veut se lancer dans les sciences, qu’elle le fasse ! Les études d’ingénieur lui en offrent l’opportunité. Nous ne sommes jamais aussi heureuses que lorsque nous suivons nos rêves. »